Un manuscrit Savinien à Cambridge

En février 2018, alors qu’il parcourait la nouvelle numérisation de la bibliothèque du Trinity College, François Avril fut ébahi devant un missel richement décoré. L’abondance de ses illustrations composées de plusieurs miniatures ainsi que l’écriture sur celles-ci manifestent un style français de la fin du XV^e siècle.

Mais d’où provient-il ? Plusieurs éléments rappellent l’abbaye de Savigny. L’importance de Saint-Benoît dans le calendrier suggère un rattachement avec une abbaye bénédictine, comme c’est le cas pour Savigny. La présence de Saint-Martin dans le sanctoral pourrait également être une référence à l’abbaye Saint-Martin de Savigny.

C’est en regardant les armoiries présentes sur certaines des miniatures que l’origine du missel peut être davantage précisée. En effet, elles sont surplombées par une crosse abbatiale : un symbole de l’abbaye. De plus, la croix dorée sur fond noir nous indique qu’elles appartiennent à la famille d’Albon qui est originaire du Rhône. Du XV^e au XVII^e siècle, elle gouverne l’abbaye de Savigny et la dignité abbatiale de celle-ci est transmise d’oncle en neveu. D’après les enluminures, la datation du manuscrit est estimée à la toute fin du XV^e siècle, période pendant laquelle François I d’Albon dirige l’abbaye. Il est d’ailleurs probable que Saint-Benoît, illustré de manière originale dans la représentation d’un abbé, fut représenté sous ses traits. Un second personnage du manuscrit possède également la même apparence que François I d’Albon dans l’enluminure de la Procession du Saint Sacrement.

En effet, bien qu’en apparence les illustrations du manuscrit s’inscrivent dans les normes iconographiques, l’artiste qui les a réalisées est caractérisé par un style original, marqué par les fortes expressions de ses personnages et des proportions pas toujours scrupuleusement respectées. Il est également inspiré dans la réalisation des décors en feuilles de laurier et portiques par la culture italienne. Cependant, même si son œuvre est datable, son nom reste inconnu : le manuscrit n’a pas encore dévoilé tous ses secrets !