1. Origine et histoire
Le chanvre industriel, Cannabis sativa, est cultivé depuis plus de 8 000 ans pour sa fibre et sa graine. Cette culture est très ancienne dans la région lyonnaise : c’est dans la vallée du Rhône qu’ont été trouvées les premières traces de la culture du chanvre en France. La culture du chanvre tient, à côté du lin une place de premier ordre parmi les plantes textiles. Pendant des siècles le chanvre a été la matière première pour la confection de toile, de vêtements, de cordages et même de draps. Il a été utilisé pour la fabrication de la pâte à papier (outre le chanvre, les moulins à papier utiliseront par la suite les chiffons de lin et de coton). Il fallut attendre Réaumur, grand savant français, en 1719, puis Keller un tisserand allemand, en 1847, pour remplacer les chiffons devenus de plus en plus rares, et lancer la fabrication du papier à base de fibres de bois, moins chères. C’est au XIX ème siècle que la fibre de bois remplacera définitivement le chiffon et de ce fait l’utilisation du chanvre pour la pâte à papier.
2. La plante
Jusqu’à ces quarante dernières années le chanvre présentait la particularité de compter dans un champ, des pieds de sexes différents. Les mâles porteurs de fleurs à étamines, parviennent à maturité une quinzaine de jours avant les autres, dégageant de vastes et odorants nuages de pollen, puis se flétrissent en se couchant sur le sol. Les pieds femelles, après avoir été fécondés, donnent des fruits, puis des graines : le chènevis.
Depuis le début des années 1960, des variétés dites dioïques ont été supplantées par de nouvelles variétés que la recherche a créées. Ce sont des plantes monoïques, aux fleurs mâles et femelles disposées sur le même pied.
2.1. Semis.
Le semis commence à la mi-avril, sur terre humide. Cette culture nécessite beaucoup d’eau pour son irrigation, ce qui explique son implantation sur des sites irrigables. Le semis commence à la mi-avril, sur terre humide.
2.2. Récolte.
Avant de passer de la campagne à l’industrie, le chanvre subit de nombreuses étapes. Actuellement son mode de récolte et de transformation a considérablement évolué.
Après quatre mois de période végétative, dans la troisième semaine d’Août, généralement à partir de la Saint Louis, débutait la phase finale de la culture du chanvre. L’opération était effectuée par tout le personnel de la ferme, femmes et enfants compris, mais aussi par une armée de journaliers réquisitionnés pour la circonstance.
Les pieds étaient arrachés à mains nues, les racines étaient débarrassées de la terre avec un coup de sabot. On les réunissait alors pour en faire des bottes d’une vingtaine de centimètres de diamètre.
Pour récupérer le chènevis, il était nécessaire que les bottes subissent une dessiccation de quelques jours : pour cela, soit on les dressait les unes contres les autres, en faisceaux, soit par deux files parallèles formant une toiture et appuyées contre une perche horizontalement fixée par des piquets à une certaine hauteur au-dessus du sol.
2.3. Battage.
Au bout de quatre à cinq jours, on extrayait la graine en frappant le chanvre à coups de fléaux, ou en le prenant par poignées et en le battant sur une claie. Enfin, une autre technique consistait à faire passer successivement par poignées les tiges à travers les dents d’un peigne fixé verticalement à une table. Les chènevis sont ensuite transportés au moulin pour en extraire une huile alimentaire d’excellente qualité.
3. Le travail du chanvre.
3.1. Rouissage.
fosse à rouir à Savigny
Après être délestée de sa graine, la chènevotte était transportée dans des charrettes sur les lieux du rouissage. Cette opération consistait à immerger dans de l’eau le chanvre pour le faire macérer et obtenir la décomposition de la gomme qui colle les fibres de l’écorce aux parties intérieures des tiges. Les bottes étaient placées sur des branchages disposées en forme de radeau, puis lestées de grosses pierres pour leur immersion.
L’idéal était bien entendu un rouissage en rivière. Le passage et la circulation de l’eau entraînaient les matières en décomposition et on obtenait ainsi, par le blanchiment des fibres, un chanvre d’excellente qualité. Le temps de séjour du chanvre en rouissage variait en fonction de la température de l’eau. Une eau trop fraîche ralentissait la décomposition, une eau qui véhiculait des sables rendait le chanvre inutilisable.
Mais cette pratique apportait beaucoup de nuisances : les rivières chargées de ces matières en putréfaction atteignaient un tel niveau de pollution qu’il était impossible de l’utiliser pour le breuvage des troupeaux et le travail du cuir. De nombreuses plaintes de riverains auprès des autorités allaient amener l’interdiction de cette pratique. Les cultivateurs de chanvre durent alors faire rouir le chanvre dans des routoirs, fosses creusées dans le sol, quelques fois maçonnées et remplies d’eau.
3.2. Blanchiment.
Après ce traitement le chanvre devait alors subir un opération de blanchiment. On l’étendait dans les prairies et c’est l’action de la pluie, de la rosée et du soleil qui finissaient sa purification et son blanchiment (il fallait le retourner plusieurs fois pour commencer a le faire sécher).
3.3. Séchage.
Il était ensuite stocké dans des hangars et l’hiver venu on procédait au séchage définitif et au broyage. Au Moyen-Âge on ne fait pas état de l’utilisation de fours à chanvre. Il semble que ces constructions soient apparues beaucoup plus tard. Jusqu’alors le séchage définitif se faisait le plus souvent dans la maison même, mais les risques d’incendie dans les cheminées étaient importants.
Les fours à chanvre (sorte d’étuve) allaient s’édifier dans toute la France avec leurs particularités régionales. Eloignés de l’habitation principale ils se trouvaient un peu en retrait non loin du battoir ou de la broyeuse. De constructions circulaires dans le Val de Loire et l’Ouest, ils sont dans l’Est et dans notre région plutôt cubiques. Les vestiges de ces constructions sont souvent ignorés ou pris pour des colombiers. Certains ont été transformés en habitation.
Le chanvre était alors entassé dans la chambre de séchage. Dans la partie inférieure du four, la chambre de chauffe, une corbeille en fonte remplie de coke ou de charbon de bois enflammé dégageait une forte chaleur qui, pendant une dizaine d’heures séchait la fournée qui avait été stockée dans la partie supérieure.
3.4. Broyage
Le matin très tôt le chanvre était sorti de l’étuve pour être emmené près du battoir ou de la broyeuse. Leur action avait pour but d’extraire la filasse en la séparant du bois de la tige. Avant la mécanisation de cette opération, ce travail était effectué manuellement avec le concours d’un maillet.
C’est la force de l’eau sur une roue qui servait à mouvoir cet appareil. Le battoir est entraîné par une roue à palettes, placée en position horizontale dans le courant, et surmontée d’un axe vertical. L’arbre horizontal tourne devant une batterie de maillets placés en position de bascule au-dessus de la table qui reçoit le chanvre. Frappé par une came, le manche du maillet s’abaisse tandis que la masse est relevée; puis cette dernière, après passage de la came, retombe de tout son poids sur le chanvre.
La broyeuse était composée de deux rouleaux à cannelures dans lequel on faisait passer le chanvre pour le briser et séparer ainsi la fibre de la partie ligneuse. Un ouvrier placé devant la machine présentait le chanvre sur un support qui se terminait en avaloir pour introduire le chanvre entre les rouleaux. De l’autre coté un ouvrier recevait la filasse, la secouait puis la repassait une deuxième fois. Après, la filasse était brossée pour être nettoyée une dernière fois. En suite, elle était roulée, puis à nouveau stockée dans des hangars en attendant la vente.
3.5 Peignage et filage du chanvre.
Pour finir la préparation des fibres avant le filage, la filasse est cardée ou peignée à l’aide d’un peigne (ou carde) qui est une planche garnie de longues dents effilées alignées sur plusieurs rangées, plus ou moins espacées selon la finesse des fibres à obtenir. Le peigneur frappait la filasse par poignée sur ces peignes tout en tirant à soi le chanvre pour le diviser en fibres de plus en plus fines, démêler les fibres, les débarrasser des derniers restes ligneux et les rendre bien parallèles pour le filage. Il ne restait plus à la fin, dans la main du peigneur, qu’une poignée de fibres souples, lisses et solides de près d’un mètre de long.
Filé à la main, le chanvre se travaille à peu près comme le lin. Cependant, la structure de sa fibre, qui se tord naturellement en Z, demande ce type de torsion. En outre, les fibres de chanvre sont parfois si longues qu’il est nécessaire de les casser avant le filage.Cette opération souvent faite par des peigneurs itinérants, consistait à transformer les fibres en fil en leur faisant subir deux opérations : la torsion et l’étirage.
4. Le chanvre à Savigny.
Le chanvre bien que n’ayant pas été une culture d’une grande importance, a néanmoins existé à Savigny. Quelques vestiges, textes et nom de lieu sont encore là pour en témoigner. Le nom du chanvre en franco-provençal, parlé autrefois à Savigny est « chenève ». Ce qui a donné le nom à nos Cheneviers: terres ou l’on cultivait le chanvre.
Cette culture se cantonnait au lieu dit Les Cheneviers pour des raisons de topographie : en effet on utilisait l’eau du béal qui alimentait en eau les Moulins de Sain Bel pour irriguer les champs de chanvre. Le béal prenait l’eau du Trésoncle en amont des moulins de Savigny à la Roche Péteuse puisqu’on en trouve mention en 1249. On en trouvait ainsi près de la Font Porée.
1 – Chènevières à saint-Pierre, aux Moulins et dans le village.
2 – Fosse à rouïr (citée dans l’inventaire de 1876 )aux Gouttes.
3 – Four à dessécher le chanvre et moulin (en face salle du Trésoncle).
Un document daté du 8 avril 1475 donne le droit d’utiliser l’eau du béal pour l’irrigation des prés sur la rive droite du Trézoncle, ce qui donna lieu à maints procès dont le dernier semble avoir eu lieu le 26 germinal de l’an IV de la République.
En 1762, reconstruction au sud-est du moulin, de plan carré, d’un bâtiment en pisé enduit couvert d’un toit à quatre pans en tuiles rondes, et sommé d’un petit lanternon en tuile écaillées. Ce bâtiment a été transformé en habitation à la fin du XIX ième siècle, à l’origine il était un séchoir à chanvre.
Le cartulaire de l’abbaye de Savigny atteste la présence de chèneviers à Savigny et dans la région arbresloise dès le XIIème siècle. Le béal prenait l’eau du Trésoncle en amont des moulins de Savigny à la Roche Péteuse. Un document daté du 8 avril 1475 donne le droit d’utiliser l’eau du béal pour l’irrigation des prés sur la rive droite du Trésoncle, ce qui donna lieu à maints procès dont le dernier semble avoir eu lieu le 26 germinal de l’an IV de la République.
Ordonnance du 1er octobre 1758
« Par devant nous, Benoit Valoux, … de Lyon juge de l’Abbaye royale, baronnie de Savigny ont comparu Claude Jacquemon, notaire royal … qui quoique par ordonnance de police il soit expressement défendu de mettre rouïr aucun chanvre dans les rivières qui sont … les vallées de bourgs …
Cependant quelque attention … pour faire observer l’ordonnance … est possible, puisque différents particuliers y sont contrevenus et y contreviennent journellement en mettant rouïr du chanvre jusques dans le bourg de Sain Bel… »
« Ordonnance de M. le Maire, qui renouvelle la défense expresse de faire rouïr le chanvre dans la rivière », en date du 14 août 1814.